vendredi 27 mars 2009

Les antennes sous la loupe

Publié dans La Presse le 27 mars

Sous la pression de citoyens inquiets de l'effet des antennes-relais de téléphonie cellulaire sur la santé, les autorités de santé publique du Québec ont accepté de «procéder à un examen de la problématique».

Bien qu'il soutienne n'avoir «aucune inquiétude» à ce sujet, le grand patron de la Direction générale de la santé publique du Québec, Alain Poirier, a commandé une revue de la littérature afin d'approfondir la question.

«Nous avons récemment demandé à l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) de procéder à un examen de la problématique, en tenant compte des données de la littérature, des positions de santé publique déjà exprimées sur ce sujet», écrit-il dans une lettre adressée au collectif «Sauvons nos enfants des micro-ondes».

Le collectif, qui estime que les antennes-relais sont cancérigènes, voit cela comme un pas dans la bonne direction. Mais le ministère de la Santé précise d'emblée que la position du Québec n'a pas changé; il existe à son avis un consensus scientifique selon lequel les radiofréquences des antennes sont trop faibles pour causer des effets indésirables.

«Il n'y a aucune inquiétude à avoir avec les antennes-relais, il n'y a aucune donnée qui nous inquiète», précise la porte-parole du Ministère, Karine White.

Cette nouvelle survient au moment où le débat sur le potentiel cancérigène des champs électromagnétiques intéresse un nombre grandissant de personnes. Alors que la question fait véritablement rage en France (voir autre texte), elle commence à semer la discorde au Québec, où certains groupes réclament que l'on applique le principe de précaution. C'est le cas d'Option consommateurs, par exemple, qui a publié un dossier sur la question dans le magazine Protégez-Vous de février.

Inquiétudes

Le collectif Sauvons nos enfants des micro-ondes (SEMO) est en quelque sorte le témoin de cet intérêt grandissant. Cet organisme a été créé il y a quelques semaines, dans la foulée de la bataille menée à Terrebonne, l'an dernier, contre les antennes dissimulées dans les clochers d'église.

«Étant enseignant en électricité, je m'intéresse de près à la chose. Et ce que je vois m'inquiète, indique le fondateur du SEMO, François Therrien, que ce soit les avertissements des médecins, les cas relatés de gens qui tombent malades en raison des radiofréquences ou encore les études épidémiologiques qui font état d'une augmentation des risques de cancer à proximité des antennes.»

Foutaise, répond Ariel Fenster, chimiste et membre de l'Organisation pour la science et la société à l'Université McGill. «Les gens qui prétendent que les antennes ont un impact sur la santé sont alarmistes, croit-il. Toutes les grandes organisations internationales soutiennent qu'il n'y a aucun effet.»

Certes, ni l'Organisation mondiale de la santé ni le Centre international sur le cancer ne peuvent affirmer de façon catégorique que les radiofréquences sont totalement inoffensives. Mais cela est vrai pour presque tout ce qui nous entoure, précise M. Fenster.

«La science ne peut pas prouver la négation, explique-t-il. La science ne peut pas prouver hors de tout doute, par exemple, que le père Noël n'existe pas...»

Mobilisation

Au cours des derniers mois, certaines batailles ont été menées au Québec contre des antennes-relais, comme celle qui a eu lieu à Terrebonne, l'an dernier. À Prévost, dans les Laurentides, une pétition de plus de 500 noms a été déposée à l'hôtel de ville il y a quelques jours contre l'érection d'une antenne de Bell. À Anjou, une autre pétition a circulé cet hiver afin d'empêcher le ministère des Transport d'implanter une antenne dans un quartier résidentiel.

Preuve supplémentaire de l'intérêt que soulève cette question, un tout nouveau site web a été mis en ligne pour «présenter le point de vue scientifique» sur les champs électromagnétiques (emfandhealth.com). Piloté par le président de la Fondation du Centre des sciences de Montréal, l'ingénieur Lorne Trottier, il est réalisé en collaboration avec des professeurs de l'Université McGill, dont Ariel Fenster.

Que dit l'Association canadienne des télécommunications sans fil de tout ça? «Des recherches sont menées régulièrement, depuis des décennies, sur le sujet de la nocivité des ondes. Et elles ont conclu qu'il n'y avait pas d'effet sur la population», indique le porte-parole, Marc Choma.

Au Québec comme ailleurs au pays, c'est à Industrie Canada, avec la collaboration de Santé Canada, que revient le mandat d'encadrer l'érection d'antennes cellulaires. Les normes actuelles sont de 10 W/m2, ce que les tenants du principe de précaution jugent beaucoup trop.

François Cardinal

Des tribunaux invoquent un «danger potentiel»

Publié dans le journal La Presse le 27 mars 2009

Les radiofréquences sèment la bisbille en France, où les tribunaux ont récemment ordonné à plusieurs entreprises de retirer leurs antennes-relais, en raison de leur «danger potentiel».


Si les autorités se font rassurantes au Québec au sujet de l'impact des champs électromagnétiques, elles sont beaucoup plus divisées dans l'Hexagone, où le débat a pris des proportions surprenantes depuis quelques semaines.



Preuve du caractère explosif du débat, le gouvernement Sarkozy s'est senti obligé de calmer le jeu en organisant, le 23 avril prochain, un vaste sommet qui réunira scientifiques, associations, membres de l'industrie et élus.

Cette décision fait suite à trois jugements récents qui ont semé la consternation dans l'industrie de la téléphonie mobile. Le 4 février dernier, une cour d'appel a forcé Bouygues à démonter une antenne-relais dans le Rhône en raison d'un «trouble anormal de voisinage». Le 16 février, le tribunal d'instance de Carpentras a rendu une décision similaire en raison des «incertitudes», estimant qu'«il n'existe manifestement pas de consensus sur cette question sensible».

Puis, le 5 mars, le tribunal de grande instance d'Angers a invoqué le «principe de précaution» afin de bloquer l'érection de trois antennes-relais sur l'église du village de Notre-Dame-d'Alençon.

Il n'en fallait évidemment pas plus pour que les citoyens s'inquiètent... et que les autorités médicales se rebiffent.

Le 3 mars dernier, l'Académie nationale de médecine a ainsi publié une «mise au point» dans laquelle elle s'inquiète des dérapages des juges, qu'elle met «en garde contre une interprétation subjective du principe de précaution».

Selon l'Académie, «on ne connaît aucun mécanisme par lequel les champs électromagnétiques dans cette gamme d'énergie et de fréquence pourraient avoir un effet négatif sur la santé».

Les antennes de téléphonie mobile, précise l'Académie, entraînent une exposition aux champs électromagnétiques de 100 à 100 000 fois plus faible que les téléphones portables. Pourquoi, dans ce cas, avoir donné tant de crédit au «ressenti» des victimes potentielles? se demande-t-elle.

«La prééminence du ressenti du plaignant, ajoute-t-on, si elle fait jurisprudence, remet en cause les fondements mêmes de l'expertise scientifique et médicale. (...) Une telle utilisation dévoyée du principe de précaution risque de conduire à une quête illusoire du risque zéro, source d'erreurs, de retards et de dysfonctionnements du système de santé.»

Qu'à cela ne tienne, les organisations de citoyens opposées aux antennes-relais sont de plus en plus nombreuses en France. D'autant plus que certains médecins et biologistes ont choisi de se ranger de leur côté.

Lundi dernier, un groupe de scientifiques a profité d'un colloque sur l'enjeu sanitaire des technologies sans fil pour tirer la sonnette d'alarme. Quatre médecins, dont deux cancérologues, ont affirmé qu'il est urgent d'agir pour éviter «un problème de santé publique majeur». Ils ont fait état d'«un nombre croissant de malades devenus intolérants aux champs électromagnétiques» et précisent qu'«on ne peut exclure chez eux l'évolution vers une maladie dégénérative du système nerveux, voire certains cancers».

Plus encore, les opposants aux antennes s'appuient sur un rapport appelé BioInitiative, produit en 2007 par un collectif international de 14 scientifiques. On y fait plusieurs constats et recommandations destinés à contrer la possible dangerosité des champs électromagnétiques.

mardi 10 mars 2009

Micro-ondes : le SEMO veut une réglementation

La Presse
01 mars 2009 | 08 h 09

Un nouveau collectif, le SEMO, lancé hier en conférence de presse à Laval, veut sensibiliser la population à la prolifération des micro-ondes qui alimentent nos cellulaires, routeurs Internet sans fil, bases de téléphone et autres appareils de communication sans fil.


Le SEMO (Sauvons nos enfants des micro-ondes) a été lancé par un groupe de citoyens à la suite de l'action menée à Terrebonne, l'automne dernier, pour le retrait d'une antenne cellulaire dans le clocher de l'église, à proximité d'une garderie. «Des gens de toute la province nous ont alors contactés, relate le porte parole François Therrien, enseignant en électricité. Nous avons décidé de porter le débat au plan politique.» Entre autres représentations, le SEMO demande à la Direction de la santé publique du Québec de créer un comité sur les antennes-relais cellulaires situées près des écoles et des garderies.

Rapport scientifique


Le SEMO propose de mettre en application le principe de précaution recommandé dans Bioinitiative, le rapport émis par un groupe international de scientifiques en août 2007. En clair: utiliser la technologie des micro-ondes mais s'arranger pour ne pas avoir plus de 1000 microWatts/m2 à l'extérieur, 10 microwatts/m2 à l'intérieur et pas d'antenne à cellulaire à moins de 300 mètres d'une école. À titre de comparaison, dans les rues du centre-ville de Montréal, il n'est pas rare d'être exposé à 6000 ou même 20 000 microwatts/m2.

« Nous ne voulons pas alarmer la population, soutient M. Therrien. Mais étant sensibilisée, elle pourra choisir de minimiser l'usage de la communication par micro-ondes : utiliser des téléphones ou routeurs avec fil, ou alors, s'ils sont sans fil, les éteindre dès qu'on a fini de s'en servir. »

En France, les initiatives politiques sur les risques des technologies sans fil se multiplient

Article paru dans Le Monde, le 6 mars 2009

Deux récentes décisions de justice ordonnant le démontage d'antennes-relais ont relancé le débat sur les dangers potentiels des ondes de radiofréquence utilisées pour la téléphonie mobile et les technologies sans fil, alors que les initiatives politiques sur le sujet se multiplient. Quelques jours après la cour d'appel de Versailles, le tribunal de grande instance de Carpentras (Vaucluse) a condamné, le 16 février SFR à démonter une antenne-relais.

Les magistrats font référence à l'"incertitude" sur l'impact sanitaire de ce type d'installation et au "trouble anormal de voisinage" dû à l'"impact visuel exceptionnel" de l'antenne, installée dans un vignoble. Passée inaperçue dans un premier temps, Cette décision a fait l'objet, mardi 3 mars, d'un communiqué de l'association Robin des toits.

L'Académie nationale de médecine a réagi, le 4 mars, en renouvelant "sa mise en garde contre une interprétation subjective du principe de précaution". "On ne connaît aucun mécanisme par lequel les champs électromagnétiques dans cette gamme d'énergie et de fréquence pourraient avoir un effet négatif sur la santé", affirme-t-elle, évoquant une "erreur scientifique manifeste" dans la motivation de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles.

"Il ne faut pas que ces choses-là se règlent devant les tribunaux. Toutes les antennes de France ne vont pas se retrouver devant les tribunaux", a déclaré Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat au développement de l'économie numérique.

Ces décisions de justice et les réactions qu'elles entraînent se produisent alors que les chercheurs travaillant dans le cadre de l'étude Interphone sur la téléphonie mobile, lancée en 2000 dans treize pays, ne parviennent pas à des conclusions communes. Envisagée à l'automne 2008, la publication de leurs travaux a été repoussée. Même si des biais ne sont pas à exclure, des résultats partiels montrent une augmentation du risque relatif de plusieurs tumeurs de la tête chez les gros utilisateurs.

Le premier ministre, François Fillon, a confié à Roselyne Bachelot, ministre de la santé, l'organisation d'une table ronde sur les dangers potentiels des téléphones mobiles et des antennes-relais. Cette réunion, intitulée "Radiofréquence, santé, environnement", est fixée au 26 mars.

Par ailleurs, les sénateurs Marie-Christine Blandin et Jean Dessard organisent, le 23 mars, un colloque sur le thème "Technologies sans fil : un nouvel enjeu sanitaire", en partenariat avec Robin des toits.

Enfin, la Ville de Paris a annoncé le lancement d'une "conférence de citoyens" sur les ondes et la santé, qui durera d'avril à juin et aura pour objectif de l'éclairer sur les meilleurs choix à effectuer en ce qui concerne le développement et l'usage des technologies hertziennes dans la capitale.
Paul Benkimoun