jeudi 10 juillet 2008

Champs électromagnétiques: la menace fantôme

Transport d’électricité, téléphonie cellulaire, ordinateurs sans fil, micro-ondes : nous sommes constamment et de plus en plus exposés aux champs électromagnétiques. La technologie se développe à une telle vitesse que les scientifiques n’ont pas le temps d’en étudier les impacts. Cette surexposition permanente est-elle l’amorce d’une crise environnementale et de santé publique?

Depuis quelque temps, plusieurs gouvernements ont multiplié les interdictions au nom du principe de précaution. Cette approche, hautement controversée, a émergé dans la mouvance environnementale avant d’être entérinée dans la convention de Rio (sur la biodiversité), en 1992. Une définition actualisée, qui en vaut une autre, irait comme suit : «Des mesures doivent être prises lorsqu’il existe des raisons suffisantes de croire qu’une activité ou un produit risque de causer des dommages graves et irréversibles à la santé ou à l’environnement.»

C’est au nom de ce principe que le Portugal préconise une utilisation limitée du cellulaire chez les moins de 14 ans depuis l’an dernier ou qu’Israël interdit maintenant l’installation d’antennes relais de téléphonie cellulaire dans les quartiers d’habitations. En Suède, ceux qui souffrent d’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques reçoivent une aide financière du gouvernement (même s’il ne reconnaît pas leur handicap).

En France, le sujet agite les passions. La semaine dernière, une vingtaine d’experts, en majorité cancérologues, ont sonné l’alarme à propos des sans-fil. Alors, est-ce dangereux? Pas sûr, mais soyons prudents, disent-ils. Le ministère français de la Santé qualifie le risque de «faible».

Ce qui n’a pas empêché la Ville de Paris, il y a quelques mois, de retirer les bornes Wi-Fi dans quatre de ses bibliothèques municipales. Des employés se plaignaient d’être sensibles aux ondes électromagnétiques et disaient souffrir de maux de tête, de nausées et des palpitations. La Ville ne reconnaît pas le lien entre le réseau sans fil et les problèmes de santé, elle l’a fait pour apaiser les tensions. Ce qui ne l’empêche pas de commander une étude comparative sur les réglementations et les dispositifs mis en place pour limiter l’exposition du public aux ondes utilisées pour les télécommunications.

Certains vont plus loin que les malaises physiques : on évoque le spectre de risques de cancer plus élevés pour ceux qui sont plus exposés, de même que de maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer.

Crier au loup?

Devrait-on s’en préoccuper? Selon une étude de l’Institut national de santé publique du Québec, réalisée l’an dernier, les Québécois sont plus exposés aux champs électromagnétiques que les habitants des autres pays industrialisés, notamment parce que 70 % des maisons sont chauffées à l’électricité. L’Institut recommande d’adopter le principe de précaution compte tenu des incertitudes sur l’impact de l’exposition aux ondes.

Pour d’autres, tout ça équivaut à crier au loup. Si on examine les champs électromagnétiques des fils électriques, mieux connus, la science fait état d’effets minimes sur les êtres vivants. Il y a des risques d’augmentation de la leucémie chez les enfants qui vivent à proximité, mais le lien de cause à effet n’a jamais été démontré de façon irréfutable.

Il ne s’agit pas ici d’avoir peur d’avoir peur, mais plutôt de prendre certaines précautions pour éviter que ne se répètent des erreurs mortelles comme celles de l’amiante et du tabac — nocifs selon le degré d’exposition et la constitution de chacun.

En cas de doute, certaines précautions sont faciles à prendre. Dans le cas du Wi-Fi, installer la borne à au moins un mètre des utilisateurs et ne pas se placer entre celle-ci et les ordinateurs branchés; débrancher la borne quand elle ne fonctionne pas… Pour les cellulaires, utiliser un dispositif mains libres; limiter les conversations; éviter de le porter sur soi; ne pas laisser les enfants s’en servir sauf en cas d’urgence, etc.

La science ne nous donnera probablement pas de réponses sur les dangers potentiels des champs électromagnétiques avant plusieurs années. Et si danger il y a, il sera peut-être trop tard dans certains cas. Pousser le principe de précaution à son extrême mène à des actions comme l’arrêt de la fluoration à Québec... Nous profitons de ces nouvelles technologies. Mais nous en sommes les cobayes.

Éric Moreault
Le Soleil
Québec

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