vendredi 7 novembre 2008

Un opérateur en France condamné à démonter une antenne-relais

Article publié le 3 octobre 2008 dans Marianne

La justice oblige l'opérateur à verser 3.000 euros à chacun des trois couples riverains plaignants du Rhône, à titre de dommages et intérêts pour leur exposition au risque sanitaire. Cette application du « principe de précaution » relance le débat sur les nuisances potentielles des ondes électromagnétiques émises par les antennes-relais.

Coup de théâtre dans la téléphonie mobile. Bouygues Telecom vient d'être condamné par la justice à démonter une antenne-relais dans le Rhône pour « risque de troubles » à la santé. Le jugement rendu le 18 septembre par la 8e chambre civile du tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre a donné raison à trois couples de Tassin-la-Demi-Lune. Ils avaient saisi la justice pour « trouble anormal de voisinage ». En clair, des antennes-relais installées depuis 2006 sur un pylône en forme d'arbre à proximité de leurs habitations. Sans doute par souci d'« intégration paysagère » ! Celle-là même vantée sur le site internet de l'Association française des opérateurs mobiles (AFOM), le service de communication officiel d'Orange, SFR et Bouygues.

La justice condamne aujourd'hui Bouygues Telecom à démonter l'installation dans un délai de 4 mois après la signification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour. Et oblige l'opérateur à verser 3.000 euros à chacun des trois couples riverains de l'antenne incriminée, à titre de dommages et intérêts pour « leur exposition au risque sanitaire ». « De manière générale, on ne commente pas une décision de justice », rappelle d'emblée Bouygues Telecom. Une chose est sûre, l'opérateur fera « appel de ce jugement prochainement ». Avant d'ajouter que « cette décision concerne une seule antenne-relais sur un réseau Bouygues Telecom qui en compte 13 500 à peu près ! » Une manière de minimiser la portée du jugement ?

Un risque sanitaire pour les riverains ?
Et du côté des associations ? « C'est une très bonne nouvelle », se réjouit Stéphen Kerckhove d'Agir pour l'environnement. Avant de regretter que « cette décision mette en relief l'absence de réglementation ». Plusieurs associations alertent depuis longtemps sur les niveaux d'exposition trop élevés des ondes électromagnétiques émises par les antennes : le Criirem (Centre de Recherche et d'Information Indépendantes sur les Rayonnements ElectroMagnétiques), Priartem (Pour une réglementation des implantations d'antennes-relais de téléphonie mobile), Robin des toits et Agir pour l'environnement.

Y a-t-il un risque pour la santé des riverains ? Le TGI de Nanterre n'a pas tranché le débat sur les liens éventuels entre les troubles sanitaires et les champs électromagnétiques des antennes-relais. Il estime que « la discussion scientifique reste ouverte » sur ce sujet. En août 2007, le Rapport Bioinitiative, publication d'une quinzaine de chercheurs internationaux, établit la preuve des effets des divers types de champs électromagnétiques sur toutes les formes du vivant. Pour sa défense, Bouygues Telecom, comme les autres opérateurs, se réfère « aux travaux des scientifiques collaborant à l'Organisation mondiale de la santé (OMS), qui concluent à l'innocuité des appareils de téléphonie mobile ». Les associations reprochent, quant à elles, des conflits d'intérêts entre certains scientifiques et des opérateurs de téléphonie mobile.

Application du « principe de précaution »
Si un doute subsiste sur les liens entre troubles sanitaires et antennes-relais, le jugement fait état d'un « risque de troubles » en application d'un principe de précaution. Stéphen Kerckhove ne décolère pas : « La justice comble les carences de l'Etat. Il est dommage que les riverains soient obligés de se tourner vers elle pour faire appliquer le principe de précaution. »

Ce n'est pas la première fois qu'un tribunal juge une affaire liée à la téléphonie mobile en se référant au « principe de précaution ». Une notion souvent « oubliée » par les politiques. « Dans une démocratie digne de ce nom, c'est à l'Etat, et donc aux législateurs de protéger les citoyens », insiste Stéphen Kerckhove. Pourtant le principe de précaution est inscrit dans l'article 5 de la Charte de l'environnement, qui a valeur de loi constitutionnelle. La Charte, adoptée le 28 Février 2005 par le Parlement réuni en Congrès, est même consultable sur le site internet du ministère de l'Ecologie

Une épine de plus dans le pied de Bouygues Telecom ? Une famille de Chevreuse (Yvelines) a récemment déposé une plainte au pénal contre l'opérateur pour « administration de substances nuisibles ». Réponse gênée de l'opérateur : « Pas de commentaire. » Affaire(s) à suivre.

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