mercredi 13 mai 2009

Comment vivre avec les ondes des téléphones

Article paru dans Le Monde, le 12 mai 2009.

Vendredi, 7h42. L'Intercity quitte Lausanne pour Genève. Une jeune femme allume ses deux téléphones mobiles. A sa gauche, un homme d'affaires ouvre son ordinateur pour accéder à Internet via le réseau mobile. Les ingrédients sont réunis: un train qui roule à 140 km/h et un réseau de téléphonie de faible qualité, malgré les relais de téléphonie présents dans le train. Les pendulaires l'ignorent souvent, mais c'est dans cette situation que les téléphones émettent le plus d'ondes.

Quelle est la nocivité de ces rayonnements non ionisants? En France, opérateurs, gouvernement et associations se déchirent sur cette question. En Suisse, le débat s'enflamme lors d'oppositions à de nouvelles antennes de téléphonie mobile. "Les limites fixées en Suisse sont dix fois plus restrictives qu'au niveau international. L'ordonnance sur les rayonnements non ionisants est stricte et nous permet d'appliquer le principe de précaution", explique Mirjana Moser, cheffe de la section Rayonnement non ionisant et dosimétrie à l'Office fédéral de la santé publique.

L'on parle ici du champ électromagnétique, mesuré en volts par mètre (V/m). Les limites européennes sont globalement de 40 à 60 V/m, et les suisses de 6 V/m. "Il s'agit d'une limite pour une installation à ne pas dépasser dans les habitations, les écoles ou les places de jeu, poursuit Mirjana Moser. Si l'on se trouve dans une zone couverte par plusieurs antennes, la limite admise est alors de 60 V/m"­. Point capital, cette limite ne tient pas compte des ondes émises par le téléphone, mais que des antennes. Or plus le réseau est de mauvaise qualité, plus le portable émettra d'ondes. Près de l'oreille, des valeurs de 10 à 100 V/m ne sont pas rares. Et ce qui compte surtout, c'est le TAS (taux d'absorption spécifique), qui ne doit pas dépasser 2 W/kg.

Faut-il s'en inquiéter? "Les études montrent que le rayonnement a une incidence sur les cellules, sans que des conséquences sur la santé aient pu être établies, poursuit Mirjana Moser. Il faut donc avoir simplement une utilisation raisonnable des téléphones." Certaines associations demandent un abaissement des limites à 0,6 V/m. La scientifique y est opposée. "Si la puissance des antennes est réduite, les téléphones émettront davantage d'ondes. L'effet serait négatif. En Suisse, la situation actuelle est nettement préférable."

Jean-Michel Poffet, hygiéniste du travail au sein de l'EPFL, partage cet avis. "Nous faisons attention à ce que la couverture du réseau mobile soit bonne partout sur nos sites, y compris sur le futur Learning Center. Plus le réseau est homogène, moins le champ électromagnétique sera important, et moins le personnel sera soumis à des ondes." Jean-Michel Poffet a organisé des conférences pour parler des ondes. "Les études réalisées à propos de leur nocivité ne donnent aucun résultat concluant. Il faut aussi tenir compte du rapport coût/bénéfice de disposer d'un téléphone mobile."

Pas d'incidence négative sur la santé, donc. Mais certaines personnes se plaignent de maux de tête ou de perte de concentration à cause des ondes. Qu'en penser? "En effet, selon les estimations, 5 à 10% des gens s'estiment sensibles, explique Mirjana Moser. De nombreuses études ont tenté, sans résultat pour l'instant, d'établir un lien entre ces ondes et les symptômes. C'est un sujet très délicat.

Les opérateurs de téléphonie mobile ne veulent pas entendre parler d'une réduction des valeurs limites. "Le Liechtenstein a récemment décidé de les abaisser à 0,6 V/m. Les opérateurs vont quitter ce marché, car y exploiter un réseau de qualité devient impossible", explique Hugo Lehmann, qui étudie les rayonnements non ionisants chez Swisscom. La création de réseaux mobiles de plus en plus rapides pour transmettre les données ne risque-t-elle d'ailleurs pas d'augmenter les rayonnements? "Pas forcément, poursuit Hugo Lehmann. L'on voit que, pour une simple conversation, le portable UMTS émet 100 à 1000 fois moins d'ondes que le réseau GSM. Les nouveaux réseaux émettent nettement moins, mais ils sont de plus en plus utilisés pour transmettre des données." L'idée de démonter les réseaux GSM pour les remplacer par de nouveaux réseaux est encore irréaliste, vu le nombre de téléphones uniquement GSM encore utilisés.

Les ondes des réseaux Wi-Fi sont un peu différentes, puisqu'il s'agit d'hyperfréquences, de type 2,5 Ghz, semblables à l'UMTS en téléphonie mobile. Soit presque la même fréquence que les fours à micro-ondes. Inquiétant? "Nous savons que ces ondes ont un effet thermique, confirme Mirjana Moser. On ignore s'il peut y avoir d'autres effets. Je conseillerais de ne pas installer de borne Wi-Fi à proximité immédiate de personnes."
Anouch Seydtaghia

Aucun commentaire: