vendredi 22 mai 2009

Le Liechtenstein veut imposer un seuil d'émission draconien

Article paru dans LE MONDE | 21.05.09 | 14h05

SURPRENANT Liechtenstein : confetti alpin de 35 000 habitants coincé entre la Suisse et l'Autriche, surtout connu pour l'hospitalité de sa place financière, la principauté a décidé de dicter sa loi aux opérateurs de téléphonie mobile. En adoptant, le 29 mai 2008, une loi sur la protection de l'environnement, le Parlement de Vaduz a donné quatre ans aux industriels pour se conformer à une nouvelle réglementation particulièrement restrictive : un taux d'émission des antennes-relais limité à 0,6 volt par mètre (V/m).

Depuis, rien ne va plus entre les grands de la téléphonie mobile - Swisscom et Orange notamment - et le Liechtenstein. Une épreuve de force s'est engagée, dont la première manche se jouera entre les 27 et 30 mai, lors de la prochaine session parlementaire. A cette date, les vingt-cinq députés du Landtag examineront les rapports d'étape que leur ont remis les opérateurs - conformément à la loi - sur la mise en oeuvre de ce seuil. Et leurs conclusions ne vont pas dans le sens voulu par la principauté.

"Dans ces conditions, il ne sera plus possible d'exploiter un réseau de téléphonie mobile", résume Christian Neuhaus, porte-parole de Swisscom, dont la firme a "stoppé tout investissement dans le pays depuis une bonne année". "Economiquement et techniquement", ce seuil de 0,6 V/m est "impossible", assure encore M. Neuhaus. Le paysage - au sens propre - en serait défiguré : "Il faut 150 à 200 antennes de plus." Ce seuil, que personne n'a encore expérimenté dans le monde, est réclamé par les associations françaises qui ont demandé, sans succès, qu'il soit testé dans plusieurs villes de l'Hexagone.


LE "GRAND FRÈRE" SUISSE


Quelle mouche a donc piqué les parlementaires du Liechtenstein ? Ils ont décidé de se doter, comme le "grand frère" suisse, d'une nouvelle loi sur la protection de l'environnement. Gestion des déchets, protection contre le bruit, pollution de l'air, ondes électromagnétiques, utilisation des engrais, organismes génétiquement modifiés (OGM) : tout y est passé. Mais alors que les limites d'émission des antennes-relais en Suisse sont déjà dix fois plus restrictives qu'au niveau international (6 V/m contre 40 à 60 V/m en Europe) et qu'aucun riverain ne le demandait, le Liechtenstein a décidé, sous l'impulsion de ses trois députés Verts, "d'aller plus loin", explique le directeur de l'Office de protection de l'environnement du Liechtenstein, Helmut Kindle.

Le texte de loi précise ainsi que "les propriétaires d'une installation sont tenus, à l'aide de mesures appropriées, de baisser la puissance effective du champ à la valeur la plus basse techniquement possible et, d'ici à fin 2012, d'atteindre en moyenne une puissance du champ de 0,6 V/m".

La session parlementaire promet d'être animée. Car Frick Pepo, seul élu Vert du Landtag depuis les élections de janvier, campe sur ses positions : "Je vais me battre. En tant que médecin, j'estime que le principe de précaution est plus important que les affaires des opérateurs." Leurs menaces ne l'impressionnent pas : "Ceux qui ont remis leurs rapports au Parlement disent qu'il est impossible de parvenir à une émission de 0,6 V/m. Mais il y en a peut-être d'autres qui en sont capables." Et l'opinion publique ? Ce que veulent les gens, c'est continuer à téléphoner. "Ce ne sera peut-être plus possible dans les garages et dans les caves, mais cela restera possible", assure-t-il.

Animés du même esprit de résistance, les deux camps préfèrent ne pas préjuger de l'issue : "Tout est ouvert", résume M. Pepo. "Tout est possible", renchérit Swisscom.

Br. P.

Aucun commentaire: